dimanche 9 novembre 2008

Développer sa pellicule en noir et blanc

Je refais de la photographie argentique, depuis environ trois ans. Ma dernière entreprise consiste à développer les pellicules moi-même. Cela veut dire charger la pellicule dans la cuve, la développer, puis la sécher. Ensuite vient la numérisation. C'est donc un traitement hybride, analogique jusqu'au développement puis numérique. L'avantage est que je peux traiter mes clichés avec les mêmes outils qu'en numérique.

Bien sûr, tout ça est limité au noir et blanc, car l'investissement en temps, produits et connaissance est sensiblement plus élevé pour la couleur. Mais avec un coût minimal, on a la satisfaction de maîtriser la chaine de bout en bout, depuis la prise de vue jusqu'à l'impression.

Un élément qui refuse de se laisser maîtriser, par contre : les poussières. Elles s'insinuent, reviennent, s'accrochent, quelles que soient les précautions que je peux prendre. Le développement argentique est décidément une affaire de minutie.

A toutes fins utiles, et pour ceux qu'une pareille aventure tenterait, la liste de mon matériel.

Pour le chargement :

1. Un décapsuleur, du modèle plat pour canette de bière, pour dessertir les cartouches en 135. Pour les bobines en 120, pas besoin.
2. Des petits ciseaux pour couper l'amorce en 135.
3. Une cuve de développement Paterson Super System 4, le modèle que j'ai acheté accepte deux spires 120 ou trois en 135. C'est bien pratique.
4. Des spires Paterson Super System 4. Avantage : le chargement automatique et la compatibilité 135 et 120.
5. Le petit coin tout à fait noir, j'ai obturé le trou de serrure et une serviette masque le bas de porte. La cuvette fait un siège convenable. Dans cette maison, construite au début des années 70, un interrupteur est situé à l'extérieur de la pièce. C'était le temps où on prenait conscience des dangers de l'électricité. Le résultat, trente ans après, de ces efforts en matière de sécurité, c'est que je ne suis pas à l'abri d'une tragédie (pour ma pellicule).
6. Un esprit Zen. C'est très, très important quand dans le noir total on sent que le bout de la pellicule accroche et refuse d'entrer dans la spire, ou que la pellicule vous echappe et fait des rouleaux invisibles et rétifs à vos pieds.

Quoi faire : Disposer les outils, les spires, et les composants de la cuve de façon logique. Passer dans le noir. Attendre un moment pour vérifier qu'aucune parcelle de lumière n'est là. Avec le décapsuleur, accrocher le bord du bouchon de la cartouche, puis la dessertir. Sortir la pellicule, découper l'amorce. Enfiler la pellicule dans la spire. Mettre la spire dans la cuve, sur l'axe. Recommencer autant qu'il y a de pellicules.

Pour le développement :

1. Un thermomètre pour bain de bébé gradué au dixième de degré. Avantage : la sonde rentre dans le col d'une bouteille.
2. Un biberon gradué. Celui-là, ne jamais le réutiliser pour bébé.
3. Le révélateur. J'utilise pour le moment du révélateur Ilford IL29 à 1+19, c'est pratique car ça fait pile un litre avec 50ml.
4. Le bain d'arrêt : plutôt que de l'acide, du vinaigre blanc, à quatre cuillères à soupe par litre.
5. Le fixateur Ilford à 1+4. Tous les produits vont dans quatre bouteilles plastique d'un litre. Le fixateur est récupéré, pas le révélateur qui lui est à bain perdu (comme, naturellement, le bain d'arrêt et l'agent mouillant).
6. Un entonnoir pour récupérer le fixateur et verser les solutions du révélateur et du fixateur.
7. L'agent mouillant, une goutte (UNE) de liquide vaisselle dans un litre d'eau.
8. De l'eau à température : donc une bassine propre dans laquelle verser de l'eau chaude pour atteindre la températeure suffisante pour le bain marie des quatre bouteilles (révélateur, bain d'arrêt, fixateur, agent mouillant) en position verticale. Elles doivent atteindre les 20C nécessaires, d'où l'utilité du thermomètre à sonde. C'est surtout la température du révélateur qui est importante.
9. Le robinet thermostatique que je n'ai pas pour avoir de l'eau à 20C. Là, c'est pas mal de tâtonnements.
10. Le lavabo où jeter les produits ou les bidons pour les apporter à la décharge, au choix.
11. Une pendule. Avec la température de l'eau et la façon d'agiter la cuve, c'est le temps qui va déterminer si le développement sera réussi. Pour mémoire, les temps de développement croisés par pellicule et révélateur sont disponibles sur ce site : http://www.digitaltruth.com/devchart.html.

Que faire : il existe plusieurs tutoriaux de qualité pour le développement. Celui mis au point par Ilford, disponible ici et peut-être ailleurs, est très bien fait. La séquence : révélateur pendant le temps requis suivant le film et le développeur, deux mouvements par minute, puis bain d'arrêt immédiat à 10 secondes, puis fixateur pendant au moins trois minutes, puis rinçages successifs suivant la méthode Ilford à 5 + 10 + 20 retournements avec trois changement d'eau, enfin agent mouillant.

Pour le séchage :

1. Une pince a essorer ... les avis divergent sur son utilisation. C'est le plus sûr moyen de rayer sa pellicule sur toute sa longueur et au moment où la gelatine est gorgée d'eau et très fragile.
2. Les pinces à négatif. Mes pinces à négatif ont des pointes qui mordent dans le film, ce qui, j'ai l'impression, contribue à donner une courbure à mes négatifs en 120. Sinon, des pinces à linge feront l'affaire.
3. Une pièce libre de poussière autant que faire se peut. Je fais attention à couper la ventilation de la salle de bains bien avant le séchage.

Pour la numérisation et l'archivage :

1. Le scanner qui va bien avec des porte-film un peu sérieux. Ceux d'origine de mon mon Epson V700 ne le sont pas.
2. Les feuillets à négatif qui ne rayent pas les négatifs - pas comme mes Panodia CEL135.

Alice, ma fille, à la plage.
Yashica Electro 35 GS, Kodak TMax 100, Ilford LC29 à 1+19, 7minutes, scanné sur Epson V700 à 3200 dpi, traité sous Lightroom après import.
Le vignettage est ajouté, les poussières sont réelles.









Le résultat ? Il est consommateur en temps (mais moins que la numérisation), loin d'être optimal par rapport à l'efficacité du numérique, passablement aléatoire ... mais le processus est amusant et a un côté magique. Je ne suis pas le seul à aimer, à en juger par l'activité des groupes flickr qui y sont consacrés : le développement en noir et blanc va être pratiqué encore un moment.

Et pendant ce temps, certaines sont rétives à l'argentique.
Yashica Electro 35 GS, Kodak TMax 100, Ilford LC29 à 1+19, 7min
utes, scanné sur Epson V700 à 3200 dpi. Traité sous Lightroom après import.

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